Il y avait trois personnes avant eux. Denis voulut rebrousser chemin, mais Geneviève le retint. Ça ne sera pas long, il est du genre à être à l’heure.
Trois quarts d’heure plus tard, deux échanges peu amènes, puisque je te dis que ça ne sert à rien d’attendre, mais si ! ce ne sera plus très long, tu me l’as déjà dit, et ben je me répète, le rhumatologue, un homme entre deux âges, vint, enfin !!!!, les chercher, tu vois c’était pas si long.
Ils entrèrent dans un cabinet de taille modeste, avec un simple bureau, une simple bibliothèque, de simples livres médicaux. Vu la réputation du bonhomme, Denis s’attendait à plus… grand, fastueux, du genre je t’en mets plein la vue.
Ils prirent place sur de simples chaises. Le spécialiste leur demanda la raison de leur visite. Geneviève se tourna vers son mari qui hésita à répondre.
— Bien, en conclut momentanément le rhumatologue.
Il sortit une fiche cartonnée vierge de petit format, un crayon à papier, une gomme :
— Nous allons procéder autrement si personne n’y voit d’inconvénient.
Personne n’émit de réserve.
Commença alors un long questionnaire, le rhumatologue notait d’une écriture minuscule chaque réponse, sans relever la tête, en maintenant une cadence rapide, interrompue par quelques commentaires inopportuns au goût de Denis : — Nom, prénom, date de naissance, ah vous êtes gémeaux, lieu de naissance, où est-ce ? Faut connaître c’est sûr, apparition de la douleur, le coude avant le poignet ? Ou l’inverse ? Droite ? Gauche ? Des deux côtés ! Depuis quand ? Vous ne vous rappelez plus ? Faites un effort ? Prenez-vous des médicaments ? Jamais ? Pas même un antalgique de temps à autre ? Vous n’avez jamais mal à la tête ? Ah, vous êtes allergique, je le note, ça ne va pas être pratique. Ronflez-vous ? Vous pensez que cela n’a pas de rapport, mais cela peut en avoir, hum, merci, madame confirme ? Bien. Avez-vous déjà vu un rhumatologue ? Dans votre vie, je veux dire. Bien.
Etc, etc., etc. pendant vingt bonnes minutes qui prirent fin par un : Êtes-vous encore en activité ? Oh, très bien. Et que faites-vous ? Percussionniste ! Ah, ceci peut expliquer cela.
Il fit signe à Denis de prendre place sur le divan pour l’examen clinique proprement dit qui se déroula dans des hurlements stridents. Geneviève préféra protéger ses oreilles. Le rhumatologue resta imperturbable et, une fois l’exploration terminée, invita Denis à reprendre place à côté de sa femme.
— Les douleurs que vous ressentez sont liées au vieillissement des articulations, tout simplement, à 69 ans rien d’anormal, mais votre activité doit accentuer ces douleurs. Vous souffrez très probablement d’arthrose, une IRM/CT-scan avec arthrographie nous le confirmera.
— Ça se soigne ? demanda Denis.
— Dans votre cas, et avec vos allergies, un traitement chirurgical s’imposerait, suivi d’une bonne rééducation.
— Je pourrai continuer à jouer, diriger et instruire les jeunes musiciens ?
— Intellectuellement oui, physiquement non. Après l’opération, je vous déconseillerai très fortement de reprendre votre activité.
— Et si je le refuse ?
— Vos douleurs s’amplifieront, les articulations continueront à s’user… Je suis désolé mais vous allez devoir poser définitivement les baguettes.
— Ce que mon mari n’ose pas vous dire, docteur, c’est qu’il doit assurer une tournée internationale et il lui est impossible de se dérober au dernier moment.
— Vous semblez avoir tardé à venir me voir.
— J’ai juste besoin d’assurer pour trois mois, après je fais tout ce que vous voudrez, vous m’opérez quand vous voulez, on peut même prendre rendez-vous maintenant, mais là, tout de suite, j’ai besoin de mes bras.
— Monsieur, c’est impossible, je ne peux pas et ne sais pas faire de miracle.
— Vous n’avez pas un médicament, quelque chose qui… endorme la douleur.
— Il faudrait de toutes les manières faire des analyses pour nous assurer que vous n’allez pas en faire une allergie.
— Et ça prend du temps ?
— Vous devez partir quand ?
— Après demain…
— C’est court, monsieur, trop court. Cela ne va pas être possible. Il va falloir vous rendre à l’évidence, j’en suis navré pour vous. Mais je peux vous assurer que vous vous en sortez très bien pour votre âge.
— Passer le flambeau ? Déjà ! À la fleur de l’âge…
C’est très bon comme diagnostic … passer le flambeau c’est impossible je le conçois.
j’ai apprécie le récit. Pour la vidéo ! quel entrain ces jeunes, j’ai aimé.
Merci pour ce superbe partage. Bonne fin de soirée. Amitiés.
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Merci beaucoup pour votre commentaire Christian. Et les jeunes en question (de Bogota) donnent l’énergie nécessaire pour être bien ancré dans la vie. A très bientôt. Louise Salmone
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Bon jour,
L’état de dépendance est un tournant d’une vie … l’usure du corps ne suit pas toujours l’usure de la passion.
En tout cas, les jeunes musiciens de la vidéo sont endiablés … 🙂
Max-Louis
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Merci pour vos mots, très bonne journée à vous, bien cordialement, Louise Salmone
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J’ai des problèmes d’arthrose moi aussi, les vertèbres, mais pas question d’opération, de toute façon, ce n’est pas le moment, les hôpitaux sont occupés à autre chose… Mais la kiiné me fait du bien, bon courage! Continuer son activité est un bon remède contre le découragement!
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Merci beaucoup pour votre mot, oui ne nous décourageons pas, gardons un bon moral, très bonne soirée, à très bientôt, Louise Salmone
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https://bouzou.wordpress.com/2015/06/29/dessin-manifestations-articulaires-2/
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Happy Saturday dear.
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