66. Pygmalion en chocolat

Il était son directeur de thèse quand elle tomba sous le charme de son intelligence et de son sourire aguicheur. Elle avait été prévenue, mais rien n’y fit. La sensibilité à fleur de peau de ce poète introverti versé dans la sociologie l’attirait aussi inexorablement qu’une abeille par les fleurs aromales d’un verger.

À l’époque, elle venait de fêter ses 25 ans et lui ses 50. Une histoire banale, si tant est que l’amour puisse être anodin aurait-il ajouté. Un divorce, de son côté, pas du tout à l’amiable ; un célibat du sien soudainement acoquiné.

À 35 ans, elle devint grand-mère ; à l’approche de ses 62 ans, elle allait devenir arrière-grand-mère, elle qui détestait tant les enfants, quelle ironie ! Cependant elle se réjouissait de le voir s’ébrouer heureusement dans la pagaille de sa progéniture. Cela lui suffisait grandement.

Son rôle, indétrônable, de muse la comblait. La vie qui passe à une vitesse fabuleuse ne changeait rien à l’affaire, bien au contraire.

De « leur » jeunesse, elle garda affectueusement son patronyme, même au lit : Geaipia. Une promesse d’Éden dans ces sonorités ébruitées au creux de la nuit ou claquées quand les mots s’envenimaient entre eux. Oui cela arrivait.

Geaipia au fil des ans et sur ses encouragements lui procréa des textes d’une infinie tendresse, d’une liberté qu’il ne connût qu’au crépuscule de sa vie. La caducité et la précarité de son état émotionnel le rendaient encore plus attachant. À ses yeux à elle, mais pas que. Les recueils de Geaipia commencèrent à connaître un succès autre que d’estime.

Elle, chaque matin, jouissait du privilège de récolter les perles de diamant délicatement tombées de ses lèvres ourlées sur le secret de la vie, car il y a un mystère à percer n’est-ce-pas ? Il ne répondait jamais de suite, la couvait d’un regard énamouré et, une fois le café bu, la tartine grillée picorée et les premières affusions, lui confirmait que oui, effectivement mystère il y a et peut-être, très certainement d’ailleurs, mystère demeurera.

Son mentor, que dis-je son Pygmalion, la maintenait en éveil et l’emportait dans des hauteurs toujours plus éminentes sans jamais la lasser du firmament qui, chaque jour, s’ouvrait à ses interrogations qu’il remplissait de réponses inventées, invérifiables, parfois tout en mimiques, pour le seul bonheur de la faire éclater de rire.

https://www.youtube.com/watch?v=4Fkqf34loWk Madame rêve d’Alain Bashung

18 commentaires sur « 66. Pygmalion en chocolat »

  1. Que c’est beau…. Douce romance…De celle qui pourrait paraître banale, mais qui ne l’est pas… Il y a de ces rapports humains qui font que le vie prend toute son essence et qui font que nos choix sont les balises de notre parcours.

    Mes salutations

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  2. Alors… bonsoir Louise, ou bonjour ( cela dépendra de l’heure à laquelle vous me lirez)
    Je voulais donc vous dire que j’ai beaucoup aimé cette histoire de muse et pygmalion(ça me rappelle qqu’un que je connais bien) et c’est si joliment raconté. Comme je dis tjrs: l’amour n’a pas d’âge. Grand-mère à 35 ans, 10 ans après la rencontre… euh ?! 🤔 Mais oui, suis-je bête ! Par alliance 😀 En tout cas, je trouve que c’est une très belle love-story. Mais question que je me pose: pourquoi en chocolat ? (Il semblerait que je n’ai pas tout compris)…

    Bonne semaine à vous. A bientôt !

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  3. Bonjour, Merci beaucoup pour votre retour, j’apprécie vos questions, il n’y a pas de raison particulière à chocolat si ce n’est qu’il est doux et suave comme un bon chocolat le Pygmalion, mais vous pouvez trouver une tout autre raison qui vous conviendrait et qui nous conviendra, :-), et bien d’accord avec vous, l’amour n’a pas d’âge, très bonne journée et à très bientôt

    Aimé par 2 personnes

  4. Ah bah, finalement c’est bien ce à quoi je pensais, je vois très bien le genre du pygmalion. Et comme je la comprends. Si j’osais, je dirais: « j’ai le même à la maison ». Oups, c’est dit ! 😉
    J’adore vos textes. Merci Louise, c’est un plaisir de vous lire

    Aimé par 2 personnes

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