80. Wonder Woman

Les visites s’effectuaient uniquement après une réservation téléphonique. Jamais le week-end. En matinée et en soirée principalement. Pour s’y rendre, les enfants se trouvaient souvent dans l’obligation de se faire porter pâle ou de supplier, et leurs accompagnants de raconter un bobard ou de céder, à l’exception des retraités qui n’avaient plus de compte à rendre. En conclusion, dans les faits, les grands-parents se retrouvaient à devoir se coltiner la visite culturelle improbable mais devant la joie très manifeste des petits-enfants, ils ne regrettaient pas. Rapidement, ils se ralliaient à l’idée saugrenue d’aller visiter un musée répertorié nulle part, sur aucune carte, dans aucun office de tourisme, dont l’information se transmettait de bouche à oreille essentiellement dans les cours d’école ou devant les collèges et les lycées.

« La chose » se trouvait à un embranchement de la départementale 982 et d’un chemin vicinal dont nous devons taire le nom, là où il fallait déchiffrer sur une pancarte corrodée par la rouille : musée Wonder Woman.

La voie s’avérait impraticable au premier tournant, si bien qu’il fallait laisser son véhicule quel qu’il soit sur le bas-côté non stabilisé et poursuivre à pied. Après une bonne heure de marche qui rendait plus ou moins nerveux les grands-parents, l’entrée du musée s’élevait. Deux poteaux en bois sculptés tels des totems et recouverts de motifs géométriques peints jusqu’à hauteur humaine.

Étonnamment, à cet endroit précis, un calme olympien régnait.

La guichetière de l’âge des grands-parents approximativement, Diana, comme écrit sur le badge épinglé à son haut sans bretelles de couleur vert pomme, les accueillit fort courtoisement, tendit les billets, demi-tarif pour les plus de 60 ans, gratuité pour les moins de 18 ans, et une fois l’argent empoché, recommanda au petit groupe, une dizaine de personnes, hors adultes, de longer les buissons pour la retrouver une centaine de mètres plus loin où s’étendait une prairie vaguement aménagée. Il ne faisait de doute pour aucun des adultes présents que Diana organisait ces visites d’un musée qui n’en avait que le nom pour arrondir ses fins de mois.

Étonnamment, personne ne lui en fit la réflexion et tout le monde continua comme si de rien n’était.  

De son côté, Diana emprunta une espèce de corridor duquel elle ressortit complètement changée, apparaissant avec un serre-tête arborant en son milieu une étoile bleu outremer, deux bracelets couleur argent avec la même étoile, un protège-seins très renforcé, une ceinture-bouclier sur laquelle une femme à cheval tirant à l’arc était gravée qui marquait élégamment la taille de laquelle pendait un lasso brillant, un short moulant jaune par-dessous une jupe-pantalon orange fendue sur les côtés et des bottes aux genoux renforcés très vintage hors temps et très enviées.

Étonnamment cela ne fit rire personne.

La visite commença alors. Ils entrèrent de plain-pied dans l’univers de bric et de broc, avec des objets en toc de Wonder Woman. De sa création par William Moulton Marston à la dernière diffusion cinématographique avec Gal Gadot.

Les enfants avaient toute latitude pour toucher les objets, courir dans la prairie, hurler de rire dans un labyrinthe végétal, voire hurler tout court, grimper aux arbres, s’arrêter pour regarder des extraits de films, dans un joyeux bazar qui étonnamment ne dérangeait personne.

Afin de permettre à cette jeunesse de reprendre son souffle, Diana les invita à s’enfoncer plus encore dans le monde cette fois-ci « réel » de Wonder Woman.

Étonnamment tout le monde s’exécuta avec un empressement enthousiaste sans poser de questions.

Un rideau de feuilles soulevé par un judicieux système de poulies soigneusement camouflées dévoila une immense clairière dans laquelle des fillettes, des jeunes filles, des femmes, de tout âge, de toute nationalité, dans des tenues étincelantes et colorées, semblables à celle de Diana, s’ébattaient, riaient, nageaient…  Certaines chevauchaient cavales et chevaux à cru qu’elles lançaient dans un galop maîtrisé aussi bien par la bête que par la belle, tout en tirant à l’arc, maniant le lasso, la lance, la hache avec une aisance qui soulevait des hourras dans l’assemblée, d’autres couraient avec une vélocité jamais vue, télépathaient avec des mammifères, des oiseaux, des reptiles, des poissons !, ou d’un appui bien senti telle une flèche fendaient l’air.

Diana proposa aux filles, aux femmes, et uniquement à ces visiteuses, de participer à une des activités ou plusieurs.

Étonnamment cela ne fit ni jaser, ni jalouser les garçons, les hommes.

Étonnamment, il sembla normal que ces filles et ces femmes réalisassent des exploits jugés dans un autre contexte incroyables, inexplicables, voire truqués par quelques effets spéciaux !

Et pourtant.

https://www.youtube.com/watch?v=X9dT545LjgU Minicocotte de Chlorine Free

13 commentaires sur « 80. Wonder Woman »

  1. Oui… je sais: On va encore me traiter de dinosaure, mais si j’avais entendu l’expression Wonder Woman, je n’avais aucune idée de ce qu’elle signifiait. J’aurais bien pensé à un titre de film mais sans plus.
    Je n’étonnerai donc personne en disant que je n’ai pas tout de suite compris le sens de votre histoire, en tous cas pas avant d’avoir eu recours à Wikimachin. Tout devenait plus simple et à la troisième lecture je peux enfin dire que « j’ai tout compris »: le déguisement de la dame, son prénom Diana que je pensais emprunté à une défunte princesse anglaise, le lasso magique et le système de poulies. J’ai même appris sur le Net qu’on peut être ambassadrice ‘amazone’ sans ne rien devoir à Jeff Bezos!

    Un immense merci Louise pour votre texte qui a animé mes petites cellules grises et me permettra de me coucher ce soir un peu moins ignare que je ne l’étais ce matin.

    Amicalement à vous et bonne fin de semaine!

    Aimé par 2 personnes

  2. Merci beaucoup pour votre lecture et votre humour (particulièrement le passage de l’ambassadrice amazone qui m’a bien fait rire), je vous souhaite un très bon week-end. Bien à vous
    Nb : saviez-vous que l’on appelait les oiseaux les dinosaures aviens également ? Si vous en faites partie, quelle chance !

    Aimé par 2 personnes

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