109. Absurde ?

Pablo raconte que les oiseaux ont trouvé asile dans ses cheveux.

Ce qui est impossible lui rétorque un homme qu’il n’avait jamais vu en désignant les quelques cheveux, très clairsemés, sur le dessus de son crâne, simplement vous ne vous rendez plus compte de ce que vous dites ! Peut-être ne voulez-vous pas vieillir dans votre subconscient ?!

Mais c’est quoi ces conneries ? Écoutez, je ne suis pas fou, constatez par vous-même.

Il se penche vers l’inconnu et, en effet, sur le sommet de la tête, dans sa chevelure très éparse s’est niché un moineau, charmant au demeurant, et si l’homme veut bien prêter plus attention, il devinera les reflets vert d’eau-gris de la poitrine et de l’abdomen d’un oiseau-lyre, unique par cette couleur et sa taille très modeste, à l’abri dans l’épaisseur chevelue des tempes. Pablo comprend l’étonnement de l’inconnu, lui-même ne l’avait pas repéré jusqu’à ce qu’une amie le lui fasse remarquer un jour de pique-nique entre amis justement.

Alors vous voyez, je ne suis pas fou. D’ailleurs c’est quoi la folie ? Ça ne n’exprime rien, ce mot fourre-tout, de la multitude des perceptions plus ou moins très distordues de la vie.

Le moineau se met à piailler puis volette au-dessus de Pablo avant de s’éloigner et de s’en revenir avec une graine trouvée à terre pour la picorer sur le dôme très dégarni de son hôte.

L’oiseau-lyre hésite quant à lui à se montrer si bien que Pablo va le chercher d’une main tendre et habile.

Une fois exposé à la lumière, l’oiseau s’envole sous les acclamations admiratives de l’inconnu.

Pablo se réveille en sursaut dans l’obscurité connue de sa chambre. Sa main tâtonne sur le lit jusqu’à rencontrer la chaleur rassurante du corps de la personne avec qui il partage sa vie. Il voudrait tant lui raconter son rêve, là, maintenant, mais il lui faudrait organiser un réveil en douceur pour ne pas faire face à quelqu’un de mauvais poil.

Il hésite mais à la lisière du renoncement, il revient sur sa première position : il ne peut pas rester avec ce rêve emmuré dans ses débris oniriques.

Il se lève, va ouvrir la fenêtre, oui un peu d’air frais, un rossignol philomèle chante, la grâce des variantes l’émeut à chaque fois sans témoigner la moindre lassitude. Un vent gorgé de l’humidité de la rosée pénètre dans la chambre, effleure le visage endormi qui se renfrogne, d’un hum réprobateur va se réfugier sous la couette, hum laisse-moi dormir.

Pablo saute sur l’occasion : il faut que je te raconte mon rêve.

Hum… rapide alors.

Il lui chuchote dans l’oreille l’invraisemblable inconscient.

Hum… N’importe quoi.

C’est bien ce que je pense aussi, mais pourquoi ce rêve ?

Hum… On s’en fout. Dormir encore.

Pablo se sent seul de nouveau quand l’oiseau-lyre réapparait sur le rebord de la fenêtre et vole jusqu’à lui pour se glisser dans ses cheveux, là où il pouvait encore :

J’ai cru un instant ne jamais te revoir.  

© Louise Salmone

https://www.youtube.com/watch?v=sFrNsSnk8GM. Metronomy – The look

32 commentaires sur « 109. Absurde ? »

    1. Merci beaucoup pour votre lecture et vos mots qui m’ont bien faire rire, et comme vous j’aime quand ça change de temps à autre, ça fait explorer d’autres horizons, comme vous le savez et l’expérimentez vous-même, très bonne journée, 🙂

      Aimé par 2 personnes

  1. Un monde faisant confiance aux oiseleurs s’englue, natturlich…
    Celui qui loge un oiseau dans sa tête étant suspecté de démence instinctive, on ne n’a pas une miette pour son ban au jardin public…
    Bonne journée Louise, fais attention je n’ai plus de calvitie depuis que je niche des cigognes…Alain

    Aimé par 2 personnes

  2. Génial. J’ai adoré. J’aime aussi dans mes écrits que le réel et l’imaginaire se rejoignent ou se percutent. Ton texte m’évoque Prévert, celui qui m’a fait découvrir et aimer la poésie car j’étais cet enfant pitre qu’il décrit ;). A Pablo le grand poète!

     » Et l’oiseau lyre joue

    et l’enfant chante

    et le professeur crie :

    Quand vous aurez fini de faire le pitre

    Mais tous les autres enfants

    écoutent la musique

    et les murs de la classe

    s’écroulent tranquillement

    Et les vitres redeviennent sable

    l’encre redevient eau

    les pupitres redeviennent arbres

    la craie redevient falaise

    le porte-plume redevient oiseau. »

    Aimé par 1 personne

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