111. Les influenceurs

L’audience a commencé sur les coups de dix heures sous les éclairages médiatiques tant l’affaire qui avait tenu sous pression tout le pays pendant près d’une semaine maintenait encore le public en haleine.

On allait en savoir un peu plus sur ces drôles de prévenus : quatre hommes, quatre femmes – soixante-huit ans de moyenne d’âge – grands-parents pour certains et certaines – retraités modestes – absolument pas connus des services de la police – se sont fait arrêter à leurs domiciles sans opposer de résistance – n’ont pas de lien direct entre eux et entre elles avant cette extravagance – ont prémédité leur attaque qui a paralysé les réseaux sociaux et de nombreux sites marchands entre autres durant sept interminables jours pour les utilisateurs – se sont montrés coopératifs avec la justice malgré quelques mystères non élucidés.

Ils et elles ont refusé d’être assisté par un avocat d’autant moins qu’ils reconnaissent l’intégralité des faits, donc que la juge donne son verdict et l’affaire sera close.

Il va leur falloir s’expliquer un peu plus.

Pourquoi huit sexagénaires en arrivent – et comment ? parce qu’il faut de sacrées connaissances en informatique – à bloquer plusieurs systèmes, créant une panique sans précédent, pour se faire repérer en définitive avec une adresse I.P. qui amenait directement chez un des prévenus.

C’est ballot tout de même.

De toute évidence, leur objectif n’était pas de pirater des données mais d’empêcher l’accès à certaines adresses, notamment les sites balançant des informations non sourcées et non vérifiables, les gros sites marchands dont aucun clic n’a pu être comptabilisé, ni aucune vente conclue durant cette période comme tenaient à le signaler les différentes enseignes bloquées qui exigeaient un dédommagement considérable et la majorité des réseaux sociaux.

Aux multiples questions de la juge, du ministère public, les prévenus laissaient entendre que l’état déréel de la plupart des jeunes générations par l’emploi effréné desdits réseaux sociaux polluants, addictifs par-dessus le marché, fut l’élément déclencheur.

En gros, on leur fit remarquer qu’ils se prenaient pour des justiciers 3.0. Et, de toute évidence, ils avaient dû se faire aider par une armée de hackers pour agir simultanément.

Les prévenus prétendaient que les choses se présentaient beaucoup plus simplement, ils avaient juste voulu remettre un peu d’ordre dans le bordel ambiant en cumulant leurs expertises. Ils en avaient eu assez de voir les gamins le nez sur leurs écrans comme si la vie n’avait plus de saveur. La bibliothèque virtuelle, oui, les sites marchands à outrance non, les machins choses sociaux à haute dose pas mieux.

Cette « coupure de connexion » leur a semblé salutaire.

Les prévenus s’évertuaient à affirmer qu’on leur faisait un mauvais procès.

À la fin des débats, la juge leur demanda s’ils avaient quelque chose à ajouter.

Ils se concertèrent rapidement puis une des prévenus se leva et prit la parole :

Nous sommes la première vague, et quelle que soit votre décision, nous ne ferons pas appel,

puis elle se rassit.

De cet instant, ils gardèrent le silence.

Verdict : vu les non-antécédents, un an ferme.

© Louise Salmone

https://www.youtube.com/watch?v=tX29xcrHPtY BOUGA – Belsunce breakdown

16 commentaires sur « 111. Les influenceurs »

  1. Un petit clin d’oeil depuis le sable de l’Atlantique.
    La situation que vous contez se généralisera… si les ‘gamins’ passant leur vie insipide le nez sur leur smartmachin, cités dans votre article arrivent peut-être à l’âge adulte, ce qui n’est pas sûr!
    Bonne occasion de relire Les papys font de la résistance de Juliette Sachs…

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  2. Dans leurs ordinateurs, passés au crible par les équipes « cybersécurité » de Darmanin (encore en place Beauvau) on avait découvert un autre plan visant à paralyser et à « rançonner » un certain nombre de blogs.
    Parmi ceux-ci, « Les Sexas », qui avait, par un compte rendu ironique du procès des anti-écrans ad hoc et addictifs, ajouté une couche d’opprobre sur leur entreprise pourtant salvatrice.
    La « tenancière » du blog visé avait été placée sous protection policière – après qu’elle a reçu une cartouche de fusil de chasse dans une enveloppe postée depuis Bruxelles – et, par précaution, avait décidé d’interrompre sur-le-champ sa publication (au grand dam de ses lecteurs fidèles). 😉

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  3. Ah ça, ce serait un dawa de dingue (je ne connaissais pas le mot dawa, j’ai appris que c’est un mot arabe qui signifie « désordre », merci, j’aime apprendre), on n’est pas à l’abri d’un tel délire en effet, merci pour votre lecture, très bonne journée 😃

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  4. Top Louise, très bien vu! Qui d’autre est prêt à troquer un an de sa vie de sexygénaires, derrière les barreaux, pour offrir une semaine de découverte de rêves à la jeunesse ? Les inscriptions sont ouvertes….

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