113. (a)romantique

La mauvaise nouvelle lui a chiffonné l’humeur, un mal de tête aussi, l’un ne va pas sans l’autre depuis ce matin.

Elle n’est pas à son avantage, pas maquillée, mais elle l’est si rarement, pas coiffée, robe froissée, s’installe à sa place dans le train à grande vitesse et espère retrouver un peu de force dans cet aller-retour express, avant d’abandonner toute vélléité de se remettre à peu près les idées en place, le bar reste fermé pour une cause qu’elle n’a pas entendue, il fait chaud, elle n’a pas emporté d’eau, tout l’incommode, le voyage va être long !

Elle s’endort, se réveille, se rendort, contrôle des billets s’il vous plaît, se réveille, tend les billets, se rendort, se réveille, changement de passager, un jeune homme, il écoute de la musique, fort, vous n’avez pas d’écouteurs ou tout du moins baissez le son ?, le gamin s’exécute, sympathique, elle se rendort, se réveille, changement de passager, une femme, le nez bouché, à se moucher toutes les deux minutes, avec le même mouchoir, c’est dégueulasse, éternuements, s’en fout des autres, elle le lui fait remarquer, il y a du monde dans ce train allez postillonner vos miasmes ailleurs, elle se rendort, cauchemar, se réveille, changement de passager, rien à dire, se rendort, les pieds se touchent, se réveille, oh pardon, pas grave, pense qu’il est sans fin ce voyage, se rendort, un filet de bave la réveille, affalée sur l’épaule du passager, gênée elle présente ses excuses, faut pas assure-t-il en ajoutant que ça arrive de s’endormir dans de drôles de positions, elle trouve cela intime, pas tant que ça affirme-t-il, il souhaiterait profiter de son réveil pour savoir si elle aussi descend à la même station que lui à cause de la correspondance, non elle va jusqu’au terminus, se rendort, ce qu’elle peut être fatiguée, dingue !, se réveille sans soulever les paupières, l’entend marmonner zut il pleut et j’ai pas pensé à emporter le parapluie, elle ouvre un œil, oui les gouttes explosent et glissent sur la vitre, un enfant braille, faut prendre son mal en patience le temps qu’il se calme, en revanche quelqu’un qui parle fort au téléphone on peut lui demander de poursuivre sa communication sur la plate-forme.

Il s’endort, elle aussi, ne se réveille pas, elle non plus, il loupe sa correspondance, pas elle, ils dorment l’un contre l’autre, au terminus il se réveille sans savoir où il se trouve, elle non plus.

Il la dévisage, elle n’est pas à son avantage, mais ce n’est pas le plus important, certains jours sont minés par des mauvaises nouvelles, faut faire avec.

Vous faites quoi ce soir ? Nous pourrions continuer à ne pas nous parler, avouez que ça nous a fait du bien, voilà des jours que je n’avais pas dormi.

Elle le dévisage, il a le visage tout fripé, l’esprit brouillon, n’est pas à son avantage, mais ce n’est pas le plus important, son mal de tête s’est dissipé : oui, pourquoi pas.

© Louise Salmone

https://www.youtube.com/watch?v=Cs-4ndpQcok Ten CC – I’m not in love

22 commentaires sur « 113. (a)romantique »

    1. Merci beaucoup pour vos mots, et le tutoiement comme le vouvoiement me vont (même si je réponds avec le vouvoiement, mais c’est plus fort que moi), et j’espère que vos écritures « avancent » avec la nouvelle machine à écrire, :-), très bon long week-end

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      1. Mais non 😊 je disais que j’aimais bien ton voyage en train amusant, qu’il ressemblait à certains des miens d’y il y a longtemps et que la reprise de  » I’m not in love  » me rappelait des slows d’adolescence en boite !
        PS : en fait mon commentaire d’hier a du sauter dans un autre blog , ça m’est déjà arrivé
        Bonne journée Louise 😊

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      2. Ah oui votre commentaire a buggé… Merci beaucoup pour votre lecture, et il n’y a pas d’âge pour s’endormir sur l’épaule de son voisin et de sa voisine, :-), très bonne journée, quant aux slows je suis pour leur réhabilitation ! 🙂

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  1. Récit très intéressant. J’adore voyager en train. J’ai souvent passé 5 jours et nuits sur un train. On y fait parfois d’intéressantes rencontres. J’aime votre façon d’écrire. Merci pour vos partages.

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