116. Le hasard, le doute et la magie

La docteure F., anesthésiste-réanimatrice, chercheuse en hypnosédation et algologue de renom, recevait toutes sortes de patient avec comme ferment liant leurs douleurs chroniques. Pour le reste, chacun et chacune trimballaient ses particularités dont certaines pouvaient entrer en résonance sans qu’elle se permît de les dévoiler.

Voici ce qu’elle expliqua en préambule à ce nouveau patient qu’un confrère lui avait adressé en précisant qu’il pouvait se montrer récalcitrant.

En effet ! Il était entré dans son cabinet à reculons.

Pourquoi avait-il pris rendez-vous ? Sa motivation demeurait d’une obscurité inaccessible et il s’obstinait à prétendre qu’elle n’avait qu’à la deviner.

Il voulait tout savoir, il fallait entendre par là qu’il désirait être absolument rassuré, ce qui est impossible, mais elle se garda bien de lui en faire la réflexion.

Il voulait qu’elle lui pulvérise ses moindres doutes alors qu’il en était ankylosé,

il voulait être assuré que « sa » méthode marchait.

La docteure F. reprit avec calme son exposé en lui répétant ce qu’elle avait déjà dit et redit : l’hypnose est un outil intéressant en médecine moderne, et chaque fois qu’elle voulait développer, il la taclait, l’interrompait, se moquait parfois sans arriver à lui faire perdre son sang-froid.

Elle essaya de lui expliquer que l’hypnose signifiait un processus d’immersion dans un état de conscience différent où le jugement, la perception et la notion du temps peuvent être modifiés.

Le patient ne voulait pas entendre parler d’état de conscience modifié.

Elle comprenait son appréhension et il lui faudrait pousser son investigation pour voir émerger les obstacles qui s’opposeraient à l’hypnose, mais chaque fois il se braquait, se rebiffait, éludait.

Plus elle lui expliquait qu’il ne s’agissait pas d’un spectacle, qu’elle intervenait dans un cadre hospitalier avec des protocoles précis, qu’elle n’allait pas lui « fourrer dans le crâne » comme il s’évertuait à l’exprimer des pensées indues et qu’en aucun cas il se retrouverait à courir nu dans la rue, moins il lui accordait de crédit. Elle n’était pas plus une mentaliste, ne possédait aucun pouvoir paranormal, et elle ne s’étalera pas sur les qualités d’observation et d’empathie dudit mentaliste car là n’était pas le sujet les concernant.

Le patient rebondit en objectant qu’il n’était pas possible d’évacuer un prétendu hasard si aisément sinon comment expliquer les facultés d’un mentaliste à découvrir les mots ou les chiffres auxquels le spectateur pensait justement.

La docteure F. revint à son dossier sans se départir de son calme, mais sur un ton plus incisif indiqua qu’il n’y avait rien de magique dans l’hypnose ; cela permettait de traiter la douleur par la cognition et des traitements non-pharmacopées.

Son interlocuteur restait dubitatif.

Autrement dit, par l’hypnose il allait prendre une part active à sa santé, se responsabiliser.  Etudes à l’appui, elle lui démontra que l’hypnose est une capacité innée et qu’il allait simplement utiliser ses propres ressources optimisées par une approche extérieure. Le cocktail pourrait se résumer ainsi = hypnose + un tout petit peu de médicaments + conscience du patient.

En d’autres termes, elle lui demandait de cesser d’attendre que la solution pour apaiser ses douleurs chroniques viennent uniquement de l’extérieur, qu’il pourrait même acquérir les stratégies pour prendre soin de lui-même, faire évoluer sa perception de la douleur, participer à un projet humain ambitieux pour mieux comprendre le fonctionnement du cerveau, mieux comprendre ce qu’est la conscience.

Et à sa déroutante question « mais j’y gagne quoi ?! », la docteur F. lui rétorqua :
l’autonomie !

© Louise Salmone

13 commentaires sur « 116. Le hasard, le doute et la magie »

  1. Je pensais qu’agnostique concernait uniquement la religion. J’avais un doute, j’ai cherché et je sais maintenant qu’on peut être agnostique en matière de traitement sous hypnose! Qui suis-je pour parler d’un sujet que je ne connais pas et, au fait, que peu de personnes ne connaissent.
    Je suis agnostique pour les religions, la médecine, les idées politiques (oups!) et… l’hypnotisme!
    Merci Louise pour ce moment de réflexion!

    Aimé par 1 personne

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