121. Raconte-moi une histoire

Il se faisait appeler Le Gitan reconnaissable à sa chevelure jadis brune, à son teint mat, à ses yeux sombres, noirs qui se voulaient énigmatiques mais qui n’électrisaient que son imagination. Le Gitan s’était installé un jour sans crier gare dans le centre-ville et s’était forgé une réputation de conteur, souvent bonimenteur, qui avivait de brûlantes jalousies dans le coin. On ne lui connaissait que ce surnom à l’exception de quelques privilégiés qui l’interpellaient par son prénom en privé. Le Gitan traînait dans les lieux festifs, officiels et underground, évitait la défonce et la bagarre bien que dans sa jeunesse il s’essayât à la savate avec succès, vivait comme un seigneur d’expédients de diverses origines, à la lisière de la légalité parfois.

D’aucuns se laissaient charmer par le timbre de sa voix qu’il croyait légendaire.

Il ne résistait pas quand il pouvait épater son auditoire par une histoire, d’autant moins quand on la lui demandait en y mettant les formes : allez, raconte-moi une histoire.

Le Gitan prenait alors tout son temps, jaugeait la personne de bas en haut d’un regard appuyé, connaisseur et, selon les cas, gourmand, étonné, dégoûté, attiré… agrémenté de borborygmes, bâillements, d’éternuement, de grincement, voire d’un rot, « son » langage secret pour percer à jour l’inconnue ou l’inconnu, tout du moins aimait-il le faire croire, et ajoutait : une histoire vraie ou une histoire inventée ?

Quelle que soit la réponse, et parfois avant même de l’entendre, il partait dans un récit picaresque ou abracadabrantesque, où l’amour triomphait quand son humeur l’y autorisait.

Puis un jour, il en eut assez et disparut comme il était venu pour s’en aller vers d’autres cieux, d’autres lieux, raconter ses histoires qui affoleraient les esprits pusillanimes, aiguiseraient les audacieux, allez savoir.

https://www.youtube.com/watch?v=nbTEGgnMFeA Ninine Garcia

9 commentaires sur « 121. Raconte-moi une histoire »

  1. parce que tu connais la suite et que tu as attends que je te dise: « Louise, il s’est cassé dans quel coin ? A Val d’Isère, à Carpentras ? Il bosse en station l’hiver? Il cueille les fruits l’été ? » Non, il s’est engagé dans les milices patagones !

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