135. Hommage

À cette grande femme, la patrie reconnaissante…

Il lui faudrait en moins d’un quart d’heure résumer la vie d’une femme, sa grand-mère, dont il connaissait surtout la tarte aux pommes caramélisées, son appétit insatiable pour saucer les plats le pain à pleines mains, son rire relevé, ses cascades d’ingéniosité pour amuser ses petits-enfants, ses histoires pas toujours drôles mais toujours captivantes, ses silences, son regard affûté et curieux, son intelligence vive, perspicace, sa beauté, cette femme que personne ne voyait ni ne connaissait dans cette simplicité en dehors de la famille, de quelques amis fidèles. Simple. Ce qu’elle fut et ce que l’on préfère si peu voir ou retenir d’elle.

Faut-il la trahir ? Persister à la raconter comme elle était en partie et en obturer une autre ? Doit-il contribuer à la légende à sa manière ? Lui donner un tour de mythe ? Le désire-t-il seulement ?

Tout – et son contraire – n’a-t-il pas été dit, écrit sur sa grand-mère, cette femme étonnante, extraordinaire, combattante, combative, humaine, rare, probe, ancrée dans la vie, dans l’Histoire, érudite… et d’une simplicité à vous mettre à l’aise au premier regard, au premier mot, traitant autrui pour ce qu’il est : son égal, serait-il tenté d’ajouter.

Aurait-elle apprécié qu’il l’affirme devant la Nation réunie en ce jour de célébration ? Ne s’était-elle efforcée toute sa vie de protéger sa vie privée, sa famille, malgré ses fonctions, son exposition politique, médiatique ?

Se permettrait-il un croche-pied mémoriel parce que l’exercice l’indispose ? Il souhaiterait qu’on laisse cette figure de la République, sa grand-mère, reposer en paix. Est-ce seulement possible ? À ce stade de l’Histoire, il lui reste des souvenirs de cette femme merveilleuse qu’il ne peut pas partager avec le reste de l’humanité. Il demeure le gardien de cette mémoire enfantine.

À son tour de s’y coller pour narrer cette grande femme qui a su mener des combats civilisateurs essentiels, universels, pacifiques, et il se montrera à la hauteur des espoirs et des réalisations qu’elle a apportés.

Devant un auditoire attentif, dans l’expectative, il s’éclaircit la voix et entonne les premiers mots d’une Histoire qui se ne lasse pas de se laisser conter.  

© Louise Salmone

https://www.youtube.com/watch?v=gTi3TBYag2M Ayrık Otu – Had Gadia (live)

17 commentaires sur « 135. Hommage »

  1. Je pense qu’il faut savoir respecter la ligne de conduite qu’une personne s’est fixée, et lors d’un hommage officiel de la République, ne dire que ce que la République a envie d’entendre.
    Cela n’empêche pas, en privé, dans le cercle restreint des amis, de raconter l’autre histoire qui est aussi l’histoire de la grand-mère, pour que cette face ne s’efface pas !
    Bonne soirée, Louise.

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  2. J’arrive comme la grêle après les vendanges… j’avais aussi pensé à Simone Weil.
    Je me pose une question: N’y a-t-il pas en France d’autres ‘grandes dames’ dont on devrait se souvenir? Et aussi: Pourquoi faut-il toujours attendre que des personnages remarquables soit mors pour leur rendre hommage?

    Aimé par 1 personne

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