146. Révélations

Oui, bonjour, vous pouvez me laisser entrer dans le commissariat s’il vous plaît, j’ai des choses importantes à vous dévoiler… (grésillement dans l’interphone : bonsoir monsieur, c’est pour quoi exactement ?)… Je ne peux pas le dire en pleine rue, voilà pourquoi il faut me laisser entrer et là je vous expliquerai tout… (grésillement dans l’interphone : ce n’est pas possible monsieur)… Pas grave, j’irai dans un autre commissariat (grésillement dans l’interphone : ce sera pareil dans tous les commissariats de la ville, pour des raisons de sécurité) Je viens vous révéler un truc énorme et vous mesquinez pour je ne sais quelle règle de sécurité, monsieur ouvrez-moi cette porte de suite… (grésillement dans l’interphone : monsieur, je viens de vous dire que ce n’est pas possible)… Écoutez, j’ai travaillé avec un groupe de gens disons avertis, des mois durant, sur ce sujet, je ne dirai pas combien de temps exactement, n’insistez pas, et nos conclusions parlent d’elles-mêmes…

(grésillement dans l’interphone : monsieur, si vous avez des documents de la plus haute importance, le mieux est de les faire parvenir aux services compétents…

À qui tu parles ?

À un type dehors qui veut absolument nous montrer des documents ?

Oui bonsoir monsieur, c’est pour quoi ?)

Alors comme je le sous-entendais à votre collègue, il va se passer des choses pas propres du tout prochainement, des éléments concordants nous l’indiquent (grésillement dans l’interphone : Nous ? C’est qui ?)… Il m’est impossible de citer mes sources sans mettre en danger mes informateurs (grésillement dans l’interphone : rire) … Cessez ce rire sardonique. (grésillement dans l’interphone : monsieur, ne vous méprenez pas, il est tard, nous sommes fatigués, vous aussi, peut-être, très certainement, aussi rentrez chez vous, c’est ce qu’il y a de mieux à faire.) Monsieur, je n’aime pas votre ton, ni votre accueil d’ailleurs. Qui vous dit que j’ai tort et que j’ai tout inventé ? Vous aurez l’air malin quand ça nous tombera dessus, et vous ne pourrez pas dire, ah mais nous n’étions pas au courant, parce que moi, là, maintenant, je vous informe que ça peut, ça va, déraper à tout moment, et salement ! Je peux vous donner des adresses mail, de fax, de comptes apparemment anodins… (grésillement dans l’interphone : soyez plus précis s’il vous plaît !)

Les Russes vont infiltrer les agents (grésillement dans l’interphone : lesquels ?) Vous riez, mais l’heure est grave, prévenez votre hiérarchie, au moins vérifiez mes informations puisque vous semblez douter de ma santé mentale, ils travaillent en sous-marin, en sous-main, faut vous le dire comment ?  pour les services d’epidemic intelligence par exemple, ils contribuent à la prospérité des cabinets de conseil, autre exemple, nous disposons des chiffres de sommes colossales injectées dans notre économie, qu’ils peuvent retirer d’un claquement de doigts et alors notre société implose, laissez-moi au moins vous montrer nos graphiques, il faut clarifier définitivement ces histoires d’infiltration que le pays ne maîtrise pas du tout… (grésillement de l’interphone : monsieur, il est très tard, et notre patience a des limites). Certains informateurs de nos groupes de travail, oui clandestins bien sûr, accepteraient de vous livrer des informations et leurs sources si vous leur garantissez une autre identité et que vous les exfiltriez, au besoin…  Ah là, je vous en bouche un coin, vous commencez peut-être à prendre tout ce bla bla bla au sérieux… Je peux vous donner un numéro de téléphone, composez-le, on vous demandera le nom de code, c’est Amadon, et là vous n’aurez plus qu’à noter ou enregistrer le flot d’informations qui va inonder vos oreilles. Vous pensez que c’est une mission impossible ? Demandez-vous à qui profite le crime ? C’est votre boulot oui ou non ? Demandez-vous si tout ceci est une stratégie pour un réseau ou une mosaïque ? Comment vont-ils nous infiltrer ? Nos groupes ont trouvé la parade. Allô… Allô…

(grésillement dans l’interphone : monsieur, RENTREZ CHEZ VOUS !)

© Louise Salmone

https://www.youtube.com/watch?v=1U6SifgGwAc Roberta Flack – Killing Me Softly With His Song
https://www.youtube.com/watch?v=oKOtzIo-uYw Fugees – Killing Me Softly With His Song

9 commentaires sur « 146. Révélations »

  1. Texte génial… un de plus!
    Imaginez que je viens de le lire (deux fois bien sûr) avec l’attention et l’intérêt d’un gars qui a passé 2 ans, dans les années 60, en tant que secrétaire à la direction de police du commissariat d’une ville de 20’000 habitants des bords du Léman.
    P.S. Nous n’avions pas d’interphone!

    Amicales salutations à vous Louise.

    Aimé par 1 personne

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