C’était pas faute d’avoir laissé des instructions, vagues peut-être, orales certes, mais au moins Mémère les avait-elle prévenus en son temps, qu’« au cas où…», et bien qu’elle s’eût assuré que la consigne principale serait à peu près retenue, « en espérant que… », elle remarquait toujours une oreille distraite et craignait pour le jour où…
Ce qui devait arriva comme elle l’avait prédit.
C’était pas faute de les avoir avertis, cette joyeuse bande de baltringues, à l’humour tapageur qui l’amusait tant, car parfois faut savoir prendre les choses un peu au sérieux, et malheureusement ils savaient pas y faire, c’était pas leur genre.
Mémère bon pied, bon œil, eut beau les prévenir que si jamais elle calanchait loin de ses terres, il allait falloir la ramener malgré les risques et les périls, « parce que y’en aura » estimait-elle, « les gens comme nous on les laisse jamais tranquilles », personne ne prêtait attention à ses propos décourageants et lui accordait de l’éternité par la même occasion, ça se moquait dans les rangs, qu’est-ce qui pouvait arriver à Mémère ? Elle cherchait juste à maîtriser le temps au-delà de son temps, on en n’est pas là et patati et patata…
Mémère régnait sur son petit monde de bons drilles d’une main tendre et s’inquiétait plus de raison de l’avenir dont personne ne semblait se soucier.
Et arriva ce qu’elle avait prédit. Mémère calancha à l’opposé de ses terres, de l’autre côté de la frontière, et m’oui ramener le corps dans les conditions atmosphériques extrêmes actuelles s’avérerait trop compliqué sans se faire repérer, et qui sait ce qu’il leur arrivera, qui sait de quoi on les accusera, mais ils n’allaient pas laisser Mémère dans la panade, dans la mélasse, dans une morgue sans cachet, d’autant qu’elle les avait bien prévenus, ils avaient donné leur parole, à quoi déjà ? Elle prétendait quoi Mémère ? Personne s’en souvenait vraiment, elle répétait à l’envi qu’au cas où… Oui, quoi donc ? il fallait la porter en ses terres bien qu’elle ne possédât rien, c’était juste une manière de parler, mais elle voulait reposer parmi les odeurs de maquis, cette macchia qu’elle avait arpentée depuis son enfance, à travers laquelle elle les avait conduits, n’importe quel endroit y ressemblant à peu près ferait l’affaire du moment qu’on la laissât revenir parmi les siens, pas certain qu’elle l’ait dit ainsi mais ça lui ressemblait bien.
Aussi ces roger-bontemps ne se firent pas prier pour fêter Mémère dans le plus bel endroit qu’ils dénichèrent avec vue sur la mer, sûr qu’elle aurait apprécié… ou à peu près !
© Louise Salmone
❤️
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Merci ! 🙂
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La loyaute, cette qualite rare de nos jours ….
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Mais ça existe encore, ouf ! Merci pour votre lecture, 🙂
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🙂
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Les ‘babyboomeures’ seraient-ils déjà en âge de penser à l’après?
Amical salut provençal parfumé au violent Mistral et la non moins violente Tramontane, avec une ‘bise’ (héhé!) au-dessus de la joue, mais au-dessous de zéro!
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Cela peut arriver 😉😃 et le vent souffle sur toute l’Europe j’ai bien l’impression, bon vent et bonne journée
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Parfaite ton historiette Louise, tendre , pas pleurnicharde, sur la fidélité , l’amour , le respect des dernières volontés …Je l’aime quoi 🙂
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C’est ça, merci pour votre lecture et vos mots 😃😉😉 bonne journée
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Il est grand temps que je m’occupe de ma chère maman… Merci pour ce texte émouvant
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Merci à vous, très bon week-end 🙂
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Tu connais ce vieux blues, chanté par Graeme Allwright, Louise ?
Bonne soirée.
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Je le découvre (pas Graeme Allwright, le blues du cow boy)… merci pour le lien… très bon week-end
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coool les roger-bontemps, il vaut mieux être ainsi parfois !!! … 😉
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Ah c’est sûr la vie a une autre allure pris dans ce sens-là parfois, 😉 :-), très bon week-end
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J’aime beaucoup ! Ça sent la garrigue, la Corse, l’Italie, les fils fous de leurs mère, les flingues….
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ça peut faire cet effet, merci beaucoup pour votre lecture, très bon week-end 😉 🙂
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au cas où, reste t’il de la place à coté de Mémère ?
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Possiblement… Bon week-end
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Pas plus tard qu’hier nous avons eut droit à un de ses « Au cas où… », il s’agissait de vœux de non-réanimation, nous n’en sommes pas (encore ?) à ce qui devra être fait à l’étape suivante, comme ici ou comme dans la chanson-supplique de Brassens d’ailleurs. « Mémère » est possiblement sa voisine « bel endroit qu’ils dénichèrent avec vue sur la mer », bien qu’il n’y ait pas vue mer dans le sien contrairement à celui de Paul Valery, dans la même ville, renommé à sa mort par le nom d’un de ses poème « Cimetière marin ». En tous les cas, c’est toujours une bonne nouvelle que d’apprendre que tu viens de publier une nouvelle car elles sont toujours bonnes.
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Merci pour Brassens, Paul Valéry, et de ce témoignage, et toujours un plaisir de découvrir vos poèmes, merci beaucoup pour votre lecture
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Une belle histoire qui finit plutôt bien (sauf pour Mémère) 😊
Et je découvre par la même occasion l’expression « roger-bontemps » que je n’avais jamais entendue…alors que mon mari se prénomme Roger 😂
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Oui on devrait utiliser cette expression (roger-bontemps) si joyeuse un peu plus souvent, merci pour votre lecture, mes salutations à votre mari 😉 🙂
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