164. Olga

Les appels de sa comparse s’enroulaient dans le pré avant de s’envoler pour ricocher sur les abrupts des falaises environnantes. Des chèvres plongées dans les buissons épineux et ardents près de la rivière chevrotaient sans que l’on puisse les distinguer.

— Olga ? Olga ?! OLGA !

L’énervement pointait sous la voix aiguë, l’inquiétude aussi, peut-être. Des nuages gris puis noirs obscurcissaient la douceur printanière. Des grondements fendillaient le ciel, un orage menaçait.

Les sifflements stridents, les interjections fulminantes « fas attentiou » n’y changeaient rien, Olga demeurait invisible.

Son prénom s’entendait jusqu’à l’entrée des gorges et du vallon, dévalait jusqu’aux rives caillouteuses du cours d’eau traversé par les sangliers et loups, groins et oreilles aux aguets.

Toujours point d’Olga.

Quand la pluie se mit à tomber dru et qu’il fallut s’en protéger, quand les éclairs déchirèrent le ciel, seule Olga courait à perdre haleine dans la chênaie qui s’étendait jusqu’au pic, elle reviendra dans le pré, elle est toujours revenue, elle savait les chèvres à l’abri, son instinct le lui confirmait, très certainement se fera-t-elle salement tancer, mais qu’importe, là, pour une fois, elle filait ventre à terre, sans chèvres ni moutons à rassembler, elle reniflait, aboyait le bonheur de patauger dans l’eau d’en bas, dans l’eau d’en haut. Pour une fois, elle savourait le grand plaisir d’être un chien, juste un chien. Et c’était bien.

© Louise Salmone

https://www.youtube.com/watch?v=I7JTqDwMEo8 La Tribu de Pierre Perret – Je suis de Castelsarrasin
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